Code du travail : les principales modifications apportées par les ordonnances Macron

Après s’être concerté activement avec les partenaires sociaux durant l’été 2017, le Gouvernement a été habilité à prendre des mesures par ordonnances dans le but de renforcer le dialogue social. Ces ordonnances ont été adoptées en Conseil des Ministres le 22 septembre 2017 et sont entrées en vigueur le lendemain après signature par le Président de la République et publication au Journal officiel.

Légiférer par ordonnance désigne le fait que le Gouvernement peut prendre lui-même des mesures et mettre en œuvre son programme après avoir fait voter une loi d’habilitation par le Parlement. Cette loi en fixe la durée, le ou les domaines d’application et le délai pendant lequel le Gouvernement devra déposer un projet de loi afin de ratifier les ordonnances.

Nous allons tenter de vous présenter ici les principales nouveautés introduites par ces réformes.

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Une hiérarchie des normes inversée ?

La nouvelle ordonnance met en avant des modifications au niveau de la hiérarchie des normes. Il s’agit essentiellement de nouvelles modulations entre les accords d’entreprise, la loi et les accords de branche. Avant ce projet de loi, l’accord de branche disposait du principe de primauté vis-à-vis de l’accord d’entreprise.

L’objectif de la loi Travail consiste à inverser cette tendance dans des thématiques professionnelles telles que les conditions de travail ou encore de la formation professionnelle. Cette souplesse, accordée aux entreprises pourrait impliquer des conséquences en termes de protection et d’acquisition de droit des salariés puisqu’avant un accord d’entreprise ne pouvait pas être défavorable aux accords de branche. Cela pose des problèmes notamment pour les petites structures étant donné que les accords de branche assurent des droits communs à un secteur d’activité. Il y a un risque qu’avec les accords d’entreprise, les salariés dépourvus de délégués syndicaux se voient résolus à n’avoir le droit qu’aux minimas légaux.

L’ordonnance est séparée en trois blocs distincts. Au sein des trois blocs respectifs est mentionné l’accord qui prime et s’il est obligatoire, qu’il soit favorable ou non aux salariés.

  • Bloc 1 : Primauté obligatoire de l’accord de branche sur l’accord d’entreprise

L’accord de branche prime sur l’accord d’entreprise, on parle d’un verrouillage de droit. Ce premier bloc s’organise selon les thèmes suivants : salaires minima, égalité femmes-hommes, classifications d’emploi, garanties collectives complémentaires et mutualisation des fonds de financement de la formation professionnelle. D’autres points y sont ajoutés, notamment ceux qui relèvent de la durée du travail.

  • Bloc 2 : Verrouillage facultatif de la branche vis-à-vis d’un accord d’entreprise défavorable aux salariés

Au sein de ce second bloc, il est possible de verrouiller par accord de branche, on qualifie cette option de verrouillage facultatif. Dans ce cas, un accord d’entreprise ultérieur et défavorable aux salariés sera interdit et ne pourra pas être applicable. Si le sujet n’est pas “verrouillé” par les partenaires sociaux alors les accords d’entreprise négociés par la suite, primeront sur l’accord de branche. Il peut s’agir de thèmes comme : l’insertion dans l’emploi, la pénibilité, les délégués syndicaux, ou encore les primes pour travaux dangereux et insalubres.

  • Bloc 3 : Primauté de l’accord d’entreprise sur l’accord de branche

Le dernier bloc regroupe les thèmes ne faisant pas partie des deux blocs précédents. On y retrouve la négociation d’accords avec les partenaires sociaux concernant : les primes de 13ème mois et d’ancienneté, la mise en place du travail de nuit, ainsi que des modalités de prise de congés et du taux de majoration des heures supplémentaires. Pour ces thématiques, l’accord d’entreprise prime sur la convention de branche même si cela est moins favorable aux salariés. Il est à noter que l’accord d’entreprise peut avoir été conclu antérieurement ou postérieurement à la convention de branche.

Finalement, la nouvelle ordonnance a vocation à favoriser l’usage de l’accord d’entreprise pour certaines thématiques et ainsi donner davantage de poids à ce type d’accord. Néanmoins, il faut veiller à ne pas confondre les niveaux de sources de droit et les thèmes qui y sont abordés. Ces derniers sont différents selon qu’il s’agisse d’un accord d’entreprise ou bien d’un accord de branche. C’est pourquoi nous ne pouvons pas qualifier cette évolution d’un inversement des normes.  La branche pourra toujours s’imposer dans les domaines évoqués précédemment, mais il y aura désormais davantage de place pour la négociation collective au sein des organisations. Il devient alors important de réfléchir à un bon équilibre afin d’allier à la fois la protection des salariés et un cadre plus souple pour les entreprises.

Les licenciements

  • Le licenciement abusif

Il s’agit d’un licenciement qui ne se base pas sur un motif valable et qui n’a par conséquent pas de cause objective et sérieuse. Il pourra être considéré comme abusif si une preuve formelle est fournie et le salarié en question a droit à des dommages et intérêts en plus des indemnités légales de licenciement.

La réforme du Code du travail prévoit d’encadrer le montant des dommages et intérêts, en instaurant en plus du minimum, un montant maximum que les juges peuvent imposer aux employeurs. Le montant minimal est passé de 6 mois de salaire minimum à 3 mois et le plafond s’élève à 20 mois de salaire pour les salariés avec 30 ans d’ancienneté et plus.

  • Le licenciement économique

Un licenciement est dit économique lorsqu’il est effectué pour un ou plusieurs motifs non inhérents au salarié résultant d’une suppression d’emploi, de transformation d’emploi ou d’une modification refusée par le salarié d’un élément essentiel de son contrat de travail.

Il peut y être fait recours dans un contexte de difficultés économiques, de mutations technologiques, de réorganisation de l’entreprise vis-à-vis de la sauvegarde de sa compétitivité ou de cessation d’activité.

Jusqu’à présent pour les entreprises appartenant à un groupe international, la réalité de la cause économique était appréciée au niveau du groupe dans son ensemble ou du secteur d’activité du groupe auquel appartient l’entreprise. En cas de difficultés, la filiale concernée devait alors être soutenue par la société mère si cela était possible et elle ne pouvait alors pas avoir recours à des licenciements pour motif économique.

L’ordonnance relative à la prévisibilité et à la sécurisation des relations de travail limite désormais le périmètre d’appréciation de la cause économique au territoire national uniquement. Ainsi il sera possible pour une filiale française en difficulté d’avoir recours à ce type de licenciement sans que soit pris en compte la santé financière globale du groupe.

Le compte pénibilité

Entré en vigueur à partir du 1er janvier 2015, le compte pénibilité permet aux salariés du secteur privé occupant un emploi contraignant d’accumuler des points afin de partir plus tôt à la retraite, de se former ou de bénéficier d’un temps partiel sans perte de salaire.

Ce compte, souvent qualifié « d’usine à gaz » est le sujet d’une des cinq ordonnances réformant le code du travail. Le but de cette ordonnance étant de simplifier ce compte pénibilité, en apportant plusieurs modifications :

  • Un changement de nom : Le compte pénibilité est rebaptisé « compte personnel de prévention ».

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  • Maintien de 6 critères sur 10 : Le compte personnel de prévention ne comporte plus que six critères au lieu de dix précédemment. La réforme du code du travail élimine quatre critères à savoir l’exposition aux risques chimiques, aux postures pénibles, aux vibrations mécaniques ainsi que le port de charge lourde. Cette suppression est expliquée par la difficulté de l’employeur de mesurer la pénibilité de ces facteurs. Toutefois, ces quatre critères seront toujours reconnus s’ils génèrent une maladie professionnelle et un taux d’incapacité permanente qui excède 10%.
  • Un nouveau financement : Le compte pénibilité est financé par deux cotisations payées par l’employeur. A partir du 1er janvier 2018, ces cotisations seront supprimées et le compte de prévention sera financé par la branche accidents de travail et maladies professionnelles (AT/MP). La seule branche excédentaire de la Sécurité sociale.

Nous voici arrivés au terme de la première partie de cet article, nous aborderons très prochainement à l’occasion d’une seconde partie les évolutions relatives au télétravail et à l’assurance chômage ainsi que la fusion des Instances Représentatives du Personnel (IRP).

10 commentaires sur “Code du travail : les principales modifications apportées par les ordonnances Macron

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  1. Clin d oeil pour le premier article consacré aux ordonnances Macron mais trop long .pas assez synthétique : vos lecteurs ont du mal à tout lire : simple conseil !

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  2. Bonjour,

    Enseignante en section de technicien supérieur assistant de manager, je serais intéressée pour évoquer avec vous la construction et l’animation de ce blog. Est-il envisageable de vous rencontrer pour échanger à ce sujet ?

    Bien cordialement,

    Mme Bonnet Enseignante en STS AM – lycée Aliénor d’Aquitaine de Poitiers

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  3. Etudiante à l’IAE, dans le même Master que nos blogueurs, je trouve ces informations très claires. Elles reprennent les fondamentaux avec beaucoup de pédagogie. La longueur nécessite en effet de se poser au calme pour lire l’ensemble mais comme on peut le faire pour un article. Merci à vous pour ces premières informations.

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  4. Bonjour à tous,
    Bravo et merci pour ce premier article. Pour ma part, la longueur ne me gêne pas, je prends connaissance du sujet et du texte dans ses grandes lignes le lundi puis je le décortique le reste de la semaine: Ainsi je trouve le temps moins long pour attendre l’article du lundi suivant!!

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  5. Article intéressant et clair qui reprend les fondamentaux de ces ordonnances. La longueur est loin d’être gênante, elle permet en effet de se poser pour lire comme tout bon article.
    Bravo !

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  6. Bonjour,
    Merci pour ce dossier sur les ordonnances Macron ! Si j’avais une suggestion à faire, ce serait sur le licenciement où c’est assez lacunaire. Certes, il faut rester concis mais cela aurait été intéressant de préciser les exceptions pour lesquelles le barème ne s’applique pas ou la possibilité de la demande de précision préalablement au licenciement.

    Merci encore et bonne continuation

    Un collègue étudiant RH et Droit Social de l’université de Nantes 😉

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