Seuils sociaux, la fin d’un mythe

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De seuil en seuil, de Charybde en Scylla

En période de reprise économique, tous les leviers sont bons pour relancer la création d’emplois. Contrat unique, contrat 0 heures, baisse des cotisations sociales, toutes les solutions sont envisagées pour réduire le chômage. Et pourquoi ne pas lisser les seuils sociaux ? Accusés d’être des freins à l’emploi, ils sont, sans nul doute, nombreux et apportent avec eux leurs lots de contraintes. Selon le site Juri-Travail, il existe au moins 15 seuils dont le dépassement implique une nouvelle obligation administrative, sociale ou fiscale.

Attention à la marche !

Franchir un seuil serait, pour les employeurs, comme ouvrir la boîte de Pandore. En effet, les PME connaissent plusieurs coups d’arrêt pendant leur croissance à cause de ces seuils. Nous citerons de façon non exhaustive :

  • 11 salariés : mise en place des délégués du personnel
  • 20 salariés : obligation d’emploi de 6% de travailleurs handicapés
  • 50 salariés : CE, CHSCT, délégués syndicaux, négociations annuelles obligatoires, participation, obligation de PSE en cas de licenciements économiques
  • 200 salariés : commissions égalité professionnelle et formation au CE, fin de la Délégation Unique du Personnel
  • 300 salariés : négociation d’un accord GPEC
  • …etc.

Ces contraintes, prohibitives pour les employeurs, s’ajoutent aux obligations fiscales liées à ces seuils.

Un frein à l’emploi ?

Passer le cap des 50 salariés représenterait une augmentation du coût d’environ 4% de la masse salariale pour une entreprise. Mieux vaut y réfléchir à 2 fois avant de recruter son 50ème salarié. Il semble d’ailleurs, que les chefs d’entreprises français tiennent compte de ces seuils dans leurs politiques d’emploi. Ainsi, selon une étude de l’INSEE, il existe 2 fois plus d’entreprises de 9 salariés que d’entreprises de 10 salariés et 3 fois plus d’entreprises de 49 salariés que d’entreprises de 50 salariés.

L’INSEE soulève aussi la petite taille des entreprises françaises en comparaison avec d’autres pays européens tels que l’Allemagne. Mais elle s’expliquerait davantage par la contrainte fiscale que par les obligations sociales qu’impliquent les seuils sociaux.

Lever les seuils, s’élever sans se brûler les ailes ?

Si elle semble évidente, la réponse n’est pas si simple. L’Ifrap, think tank libéral, considère que la suppression de ces seuils permettrait de créer de 70 000 à 140 000 emplois en France. Elle se fonde pourtant sur l’étude de l’INSEE qui n’aboutit pas du tout à cette conclusion. Le nombre d’entreprises qui franchiraient réellement ces seuils n’augmenterait que de 0,4%, contrecarrant alors les prévisions optimistes de l’Ifrap. De plus le report de ces seuils réduirait considérablement la représentation sociale des salariés de PME, bien moins protégés que ceux des grandes entreprises.

Couper la poire en deux et partager le gâteau

Beaucoup moins contraignante que les IRP à la française, la représentation des salariés prend effet dès 5 collaborateurs en Allemagne mais sans ajouter au mille-feuille, coûteux pour les entreprises. Cette solution garantirait une protection sociale pour les salariés des PME sans accroître les charges des entreprises. Mais cette mesure seule serait-elle suffisante pour relancer l’emploi ? Difficile d’en être certain sachant que les effets de seuils seraient principalement dus au paradoxe fiscal auquel les entreprises sont confrontées : plus elles recrutent, plus elles payent d’impôts…

Supprimer les seuils, changer la représentation sociale ou repenser la fiscalité, faites votre choix !

3 commentaires sur “Seuils sociaux, la fin d’un mythe

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  1. Après l’échec récent des partenaires sociaux à trouver un accord relatif à l’amélioration du dialogue social en entreprise, François REBSAMEN doit présenter au conseil des ministres du 22 avril prochain sa proposition de loi visant donc à réformer ce dialogue social. On y trouve ainsi la possibilité de négociation sans syndicats et du regroupement des instances et une protection accrue des représentants des salariés. Ce texte arrivera ensuite en discussion devant les deux chambres. C’est donc un dossier d’actualité immédiate et à suivre avec intérêt tout au long du travail législatif à venir. At spes non fracta!

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  2. Bravo pour cet article.
    Mais pour le vivre au quotidien, ce qui bloque le plus les chefs d’entreprise ( < 50 sal et <300 sal), les autres ont une fonction RH et RS bien définie, c'est :
    – le nombre de réunion et le temps consacré à celles-ci,
    – le légalisme des informations et consultations obligatoires,
    – le nombre de mandat d'IRP (défaut de candidat)
    – les heures de délégation pas toujours faciles à gérer pour le manager
    – et bizarrement le statut protégé bloque pour le "mauvais" candidat, IRP, candidat par défaut en vue d'une protection légale et non pour la défense des salariés de l'entreprise

    Croyez moi, quand le chef d'entreprise peut embaucher, il embauche. Il en est même ravi. Il souhaite uniquement de la souplesse et conserver le "bon sens" inhérent à la PME dans son dialogue social.

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